lundi 3 octobre 2011

Visite des laboratoires de la station d'écologie de Fontainebleau


Patrimoine et science.
Dimanche 18 septembre, dans le cadre des journées du Patrimoine, je me suis rendu à la Station dÉcologie Forestière de l’Université Paris Diderot - Paris7. Voici la visite des laboratoires menée par une dame qui nous donne les explications: 


15h33 Devant le bâtiment le plus ancien du campus.Nous sommes ici sur un campus décentralisé faisant partie de l'Université Diderot située en forêt de Fontainebleau, où les étudiants viennent herboriser, c'est-à-dire apprendre à faire un herbier. Tous les premières années en biologie viennent passer une journée ici pour ramasser des plantes et apprendre à les déterminer
A la fin du XIXe, un illustre botaniste, Gaston Bonnier, avait repéré ce bâtiment tout près de la gare, le train étant le seul moyen de transport à l'époque. En l'espace de deux ans - c’est exceptionnel- Gaston Bonnier a réussi à joindre les différents ministères et propriétaires des lieux pour pouvoir commencer les travaux.
De très larges ouvertures pour maximiser la lumière du jour

Ce bâtiment a été construit en deux temps, vous voyez d'abord qu’il y a une partie gauche et dix ans après, l'aile droite a été construite. Mais il a été pensé dans son ensemble dès le début, on s'aperçoit, quand il nous arrive de faire des travaux, qu'on est sur un mur de façade encore plus épais que les autres. On est de toute façon sur des murs très épais. L'architecte qui a dessiné ce bâtiment, c'est Mr. Henri-Paul Nénot, le même architecte qui a dessiné la Nouvelle Sorbonne.
Ce qu'il y a de remarquable avec ce bâtiment, c'est qu'il a de très larges ouvertures. L'idée était de maximiser la lumière naturelle pour pouvoir observer les échantillons dans les meilleures conditions possibles dans les laboratoires et aussi parce que le bâtiment n'a été electrisé que vers 1910, donc on n'avait que la lumière du jour pour s'éclairer. Vous pouvez voir sur la plaque de ce bâtiment qu'il a été inauguré par le Président de la République de l'époque, Sadi Carnot.

15h36
Dans les Labos. Odeur de neuf, de peinture fraîche.
Nous vérifions que, même sans lumière artificielle, et par une journée assombrie par le couvert nuageux, on peut travailler sans problème sur les paillasses. En plus, à l'époque, le parquet que vous voyez au-milieu n'existait pas, il y avaient uniquement des coursives sur les cotés, où il y avaient les zones de bureaux, ce qui permettait ,
  • d'avoir de la lumière dans la partie centrale de la pièce,
  • d'avoir des bureaux au-dessus, tout en pouvant surveiller les expérimentations des différents alambics et autres.
Ce bâtiment a été rénové.
La fin de la rénovation s'est terminée l'an dernier, grâce à des financements de la région et du département, donc on a pu remettre le bâtiment aux normes, il y a encore deux ans on était en 110 volts, pour faire de la recherche , ce n'était pas ce qu'il avait de mieux, on a changé les paillasses de béton carrelé avec des joints partout par des choses plus faciles à entretenir.
cliquer pour agrandir

Ici, ces zones de laboratoires sont vides car on va pouvoir accueillir des chercheurs travaillant sur la forêt de Fontainebleau. Ce peuvent être des géologues, des biologistes , des botanistes, des ornithologues, mais aussi des sociologues, la forêt de Fontainebleau est très étudiée car c'est une forêt péri-urbaine avec une fréquentation très particulière, donc il y a vraiment des choses à faire. C'est un labo orienté sur le lieu d'étude qui permet à la discipline de venir sur site.
Là sont rassemblés différents appareils de recherche, ce qu'on apelle des appareils mutualisés, ça permet aux chercheurs qui viennent ici d'avoir un matériel de base.
15h40
Nous montons des escaliers en bois, et on s'entasse dans le bureau du créateur de la station Mr. Gaston Bonnier. Voir sur cette page.
Il a beaucoup travaillé pour la vulgarisation de la botanique. Par-exemple, il a étudié la flore des chemins de fer. Il a oeuvré pour que la botanique et les sciences naturelles soient étudiées dès le secondaire. Il a fait différentes expérimentations sur les plantes. Il a notamment découvert ou aidé à découvrir , à propos du lichen - cet élément végétal qui n'est pas une plante, pas un champignon- qu’il s’agit d’organismes poussant sur les rochers et les pierres et qui sont une alliance entre un champignon et une algue. A l'époque, ce n'était pas du tout évident.
Il a été aussi l'auteur de différentes Flores, la Grande Flore illustrée que vous voyez ici, avec des planches en couleurs, exceptionnelles pour l'époque, avec un système de clés qui permet de déterminer les plantes grâce à différents critères. Par-exemple, vous allez prendre une fleur, vous dites : si elle a trois pétales, rendez-vous à telle page, si elle a cinq pétales, on va à telle autre page...et comme ça , grâce aux différents critères, les fruits, la couleur, on arrive à en déduire le nom de la plante. C'est très intéressant quand on ne sait pas du tout à quoi on a affaire.
L'important, c'est de savoir se servir de ces clés. Dans la réalité, ce n'est pas du tout évident, parce que savoir si la feuille est un petit peu pointue, mais pas vraiment, avec des écailles ou pas ...Et il y a toujours le problème de “ l'individu”, qui est un peu difforme, qui peut nous orienter vers un mauvais nom. Mais c'est le système qui est toujours utilisé. ça existe pour les plantes, ça existe pour les insectes, c'est comme ça qu'on peut les déterminer.
Vous avez ici le bureau de Mr Bonnier, légué par sa femme. Il avait ses appartements ici, même s'il ne restait pas là toute l'année. Il travaillait aussi beaucoup à la Sorbonne.
15H48.Retour à l'extérieur; la dame passe en revue le parc et les autres bâtiments.
On est en fauche tardive. Explications sur les différentes zones de fauche:
Mise en place d'une gestion différenciée
4 modes de gestion : 
Les zones refuges ne subissent aucune tonte ni fauche.
Des fauches tardives sont appliquées sur certaines zones pour créer des milieux riches en biodiversité.
Des espèces rares nécessitent parfois des fauches spécifiques.
Les zones destinées à l'accueil du public requièrent des tontes régulières.
ZONES EN FAUCHES TARDIVES
Comment ?   Les zones sont fauchées après le 15 septembre avec exportation des produits de coupe. 
Pourquoi ?    Cela augmente le nombre d'espèces animales et végétales qui peuvent se reproduire (papillons, oiseaux, coléoptères).
L'exportation appauvrit le milieu recréant des prairies peu fréquentes et favorise les plantes annuelles rares. 
Plus d'animaux sont épargnés en privilégiant la fauche à la tonte et en diminuant les passages. 
Cela implique aussi une baisse des consommations d'essence, des rejets de CO2 et des pollutions sonores. 
ZONES EN FAUCHE SPÉCIFIQUE
Comment ?  La zone est fauchée régulièrement jusqu'au 1er août puis à partir du milieu de l'automne.
Pourquoi ?  La spiranthe d'automne apprécie les prairies peu denses , les tontes régulières permettent de limiter la concurrence. 
Ensuite, il faut laisser les hampes florales se développer. La tonte suivante ne s'effectuera qu'après la dissémination des graines.  
Depuis qu'ils ont mis en place ce système, on note la présence de nombreux orthoptères, des sauterelles, des grillons sont présents, alors qu'avant, il n'y en avait quasiment pas. Si vous venez ici l'été, on entend que ça chante à peu près du milieu de la rue, et comme la forêt de Fontainebleau n'a pas beaucoup de prairies assez hautes, ici, c'est donc une sorte d' îlot pour ces insectes.
Pour les allées, on n'utilise pas de pesticides, pour des raisons écologiques et de recherche. Plus loin, en effet, il y a des parcelles expérimentales où des pesticides ont été testés, et on ne veut pas polluer les résultats.
Sur une parcelle spécifique, on a une plante qui est protégée en région Ile-de-France, une petite orchidée, la spiranthe d'automne qui fleurit à la fin de l'été, ....
La dame cherche l'orchidée au-milieu des herbes, le spécimen protégé est tout petit. Elle fait des petites fleurs blanches en spirales. 
On ne la trouve qu'en deux endroits, ici et sur l'aqueduc de la Vanne. On a une gestion particulière pour cette plante, il faut faucher régulièrement, car elle n'aime pas la concurrence. Ses feuilles sont vraiment à la base, donc pour recevoir la lumière, elle a besoin d'une prairie assez compacte mais il faut arrêter de faucher début août car la hampe florale commence à sortir. Si jamais on la coupe, la plante ne meure pas mais elle ne peut pas se reproduire. Cette année, ce fut un peu compliqué parce que début août, il a pas mal plu.
On peut refaucher à partir du moment où la hampe florale a séché.
Derrière, on a les parcelles expérimentales, des tilleuls en pépinière sur lesquels on a testé des infusions pour lutter contre les acariens en ville, une expérience qui a tourné court car les matières actives ont été retirées de la vente.
D'autres expérimentations pour les étudiants, on a fait six quadra, deux quadra qu'on retourne et d'autres pas du tout. C'est pour montrer aux étudiants la succession végétale.
  • Sur les quadra retournées tous les ans, on va avoir les plantes pionnières, qui ont besoin de beaucoup de soleil, qui n'aiment pas trop la concurrence
  • Dans les parties tondues, on a des plantes qui ont des cycles de vie assez court, en deux, trois ans on a déjà l'apparition de ligneux. Ces expériences ont le mérite de montrer que chaque plante a besoin d'un milieu particulier.
15H55
On a créé une mare . Une mare qui permet d'expliquer les différentes techniques d'adaptation des plantes à l'eau comme des feuilles qui sont cirées à la manière de celles des nénuphars.

et à coté, une mare typique de la forêt de Fontainebleau, une mare qui va s'assécher l'été. Du moins quand on a des étés sans eau, et là, cet été 2011, elle ne s'est pas asséchée... Il y a des organismes qui sont adaptés à cet assèchement, par-exemple des crustacés qui vont pondre dans le substrat et dont les œufs vont être capable d'attendre des conditions plus favorables. Mais ce sont des animaux qui ne peuvent pas se développer autrement qu'avec ce système d'assèchement qui élimine leur concurrence, par-exemple les poissons qui vont manger les œufs ou les grenouilles obligées d'aller ailleurs.
16h00 On s'arrête devant le dernier Bâtiment de la station.

Construit en 1914.  Derrière les vitres, (là aussi luminosité maximale) est mise en place une expérimentation pour des étudiants qui viennent mardi prochain.
C'est un système appelé appareil de berlèse. Il a été inventé pour déterminer la faune présente dans le sol. En effet, il y a des animaux qu'on voit assez bien, mais il y a tout un cortège de petits animaux, des petits acariens, qu'on appelle des .....(petits animaux blancs qui sautent très haut)

C’est un moyen pour trouver et quantifier ces petits animaux de la façon la plus exhaustive possible . On prend des feuilles mortes, on les met dans la partie grise, il y a une grille au fond, un entonnoir, et, en-dessous, un récipient avec de l'alcool pour conserver les animaux. Au-dessus, on a une lampe. Les animaux qui vivent dans les feuilles mortes aiment bien l'humidité et l'obscurité. Les petits animaux vont fuir la chaleur et la lumière, vont glisser dans l'entonnoir et vont finir par être pris dans l'alcool...Ainsi, on peut déterminer les différentes espèces qu'on peut trouver dans ce sol, et la quantité. Cet appareil permet d'illustrer tous les systèmes de chaîne alimentaire, de dégradation de la matière organique et de voir qui participe à cette chaîne alimentaire.
Il faut bien que les feuilles soient dégradées, sinon, au fur et à mesure des automnes, nous serions submergées par les feuilles mortes.

Pour avoir quelque chose de quantitatif, on récolte un mètre carré, on prend d'abord toutes les feuilles qui sont tombées l'automne dernier, qui sont mortes mais encore entières, et puis en-dessous, il y a les feuilles fragmentées, on en récolte aussi un mètre carré parce qu'on suppose qu'il n'y a a pas les mêmes insectes, donc la couche inférieure et la couche supérieure.
D'habitude, on fait aussi l'humus, mais en forêt de Fontainebleau, c'est du sable, et le sable glisse dans l’entonnoir, donc, on évite.
Pour finir, elle nous parle de l'hébergement qui va être créé et situé sur cette partie de la station :
On est parti sur un hébergement écologique, en double structure bois, pour respecter l'histoire du site, des modules de chambre pouvant accueillir une à trois personnes, ce qui nous permet d'accueillir des chercheurs en séminaires qui seront à l'aise à une ou deux personnes par chambre , mais aussi des étudiants (en les tassant un peu plus),par- exemple pour des semaines d'intégration mais aussi pour faire de l'ornithologie où il faut être à 5 h du matin sur le terrain.

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