Sur la route 301, vers le carrefour d'Achères, se trouve la zone du Rocher de la Combe. Peu de balisage, des sentiers difficiles à deviner, à travers des ensembles de pins et de bouleaux. Et surtout, de nombreux auvents de carriers comme autant d'abris sur le parcours. Un guide en recense dix qu'il faut arriver à trouver dans le fouillis des roches recouvertes par les troncs morts, les écales abandonnées, les mousses et les lichens. Nous avons déjà parlé des carriers, au mois de mars, au bout de la forêt: Au Coquibus, dénivelé et curiosités...
C’est à la Restauration (1814-1830) que le rocher de la Combe fut investi par les carriers, ce qui en fait une des dernières zones ouvertes aux carrières dans la forêt de Fontainebleau. Cela correspond au développement des villes et notamment de Paris; c’est aussi le pic de la production entre 1825 et 1829 où on passe de 1 750 000 pavés produits à 2 900 000.
Voici donc des images de cette randonnée du 19 novembre2011, avec des légendes qui donnent un arrière-fond historique. Le point de départ, au bord de la D301, dite route Ronde, lien Street View.
L’administration forestière dénonçait la stérilisation du sol par les déchets d’exploitation qui empêchaient toute plantation. Anne Vallaeys décrit très bien ces endroits dans le livre qu'elle a consacré à la forêt de Fontainebleau: La forêt des passions:
Dans le calme des sous-bois, il est bien difficile d'imaginer les tranchées entamées à vif dans la falaise,le bruit du martèlement des pics. Le dernier carrier parti, la nature s'est remise à l'œuvre, ensauvageant le paysage à nouveau.
Mousses et fougères ont effacé les tons brutaux du grès éventré, la forêt a semé une patine de lichen sur les tranches mortaisées des carrières et des blocs abandonnés. Le pied trébuche souvent sur les rebuts et les écales, mais l'œil n'est choqué par rien. Qui se souviendrait que des siècles durant, des hommes se sont échinés à tailler le revêtement des rues, des places de Paris et de l'Île-de-France? (p.159)
Ce qui nous apparaît aujourd'hui pittoresque et pimente la promenade, ces auvents de carriers, ces rebuts de pavés, ces tumulus recouverts par la végétation, représentaient une menace au XIXe. Paul Domet donne le ton (1870): « Arrivons enfin au fléau qui, s'il n'est pas le plus grave, frappe, du moins, plus que tout autre, les yeux des promeneurs, et au sujet duquel il s'est fait le plus de bruit, dans ces dernières années: nous voulons parler des carrières.»
Les randonneurs savourent un moment de repos dans une “caverne”. Les hommes qui les ont conçus, rudes à la tâche, mourant prématurément de la silicose, réunis en “batterie”, obtenaient l’autorisation de l’administration forestière pour exploiter les carrières. Ce millier d’hommes réunis en corporation, constituaient une force menaçante vis-à-vis de la ville de Fontainebleau, un groupe de pression capable de faire le siège de la cité impériale. En 1830, raconte Domet, ils tiennent Fontainebleau sous le coup d'une véritable terreur, le 15 avril 1840, nouveau rassemblement tumultueux aux portes de la ville, heureusement dispersé par la pluie….Les carriers forment une classe laborieuse qui se révolte souvent, au point que des escadrons de l'armée se tiennent prêts à intervenir…
Mais leur dernière révolte en 1848 quand la ville de Paris décide de s’approvisionner dans les Ardennes sera une pétition manuscrite, en désespoir de cause…L’activité décline, et l’arrivée du macadam dans les villes lui donnera le coup de grâce, voir le billet précédent.
Les randonneurs ont forcément emprunté la route Paulet, du nom de ce médecin qui eut l’idée de donner des primes pour la destruction des vipères, qui n’étaient pas une espèce protégée à l’époque. Paulet se vantait d’en avoir lui-même supprimé plus de deux-mille.
C’est l’automne, ses retours vers le point de départ au soleil couchant après avoir visité les monuments historiques un peu frustes de la forêt de Fontainebleau.
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