D'abord un peu d'histoire...Imaginez: vous vous promenez en forêt et vous entendez un coup de canon. C’est une alarme: elle précède l’ouverture du feu dans le polygone de tir. Vous levez les yeux: effectivement un oriflamme rouge se découpe dans le ciel, symbolisant l’interdiction de circuler.
Avant cela, il est probable que vous n’ayez pas vu la planchette « Ecole à feu, défense de passer », et, avant de la voir, que vous n’ayez pas rencontré la « vedette », un soldat posté à l’entrée du chemin forestier, et qui empêche les promeneurs de s’aventurer dans cette zone mortelle.
Ce n’est pas une fiction, ainsi coexistèrent militaires et civils à partir de 1875 à quelques kilomètres de Fontainebleau. «Le tir au canon rythme la vie des Bellifontains qui ont l'intention d'emprunter la route de Nemours en partant de l'Obélisque.» (Jean-Claude Polton). Voici par-exemple ce que raconte Robert-Louis Stevenson (célèbre pour son roman L'Île au trésor (1883), dans ses "Forest notes":
« La rencontre suivante est plus sérieuse. Depuis quelques instants déjà, on entend le son du canon et là, après avoir dépassé Franchard, c'est un militaire tenant un cheval par la bride qui arrête notre équipage. L'artillerie exécute, semble-t-il, des tirs d'exercice dans le Quadrilatère et le passage par la Route Ronde s'avère strictement interdit pour le moment. Rien à faire, sinon s'arrêter au carrefour ensoleillé. Tout le monde descend! Il ne nous reste plus qu'à jouer avec le célèbre Cocardon, le plus hirsute et le plus mal élevé des chiens disgracieux de Barbizon, ou qu'à escalader les talus sablonneux qui nous entourent. Pendant ce temps le docteur, portant ombrelle, large panama et barbe de patriarche, s'emploie à enjôler et, pour autant que l'on sache, à soudoyer la trop laxiste sentinelle. Son discours se révèle pondéré, mais convaincant, ses manières sont dignes et adroites. Ce n'est pas pour rien que le bon docteur a parcouru le monde entier et qu'il parle toutes les langues, du français au patagon. Il n'est pas revenu au pays après avoir couru tous les dangers pour se laisser intimider par un brigadier, même à cheval ! Nous constatons donc bientôt que la physionomie du militaire se radoucit sensiblement, tandis que ses épaules esquissent un mouvement de consentement tacite. "En voiture, Messieurs, Mesdames " chantonne le docteur triomphant, et nous voilà repartis d'un bon trot, car une sombre inquiétude nous taraude et la prudence l'emporte de loin sur la bravoure chez certains éléments timorés de la bande. A chaque instant, nous risquons de rencontrer un gradé qui nous ferait rebrousser chemin. A chaque instant aussi, nous pouvons recevoir un éclat d'obus qui nous emporterait bien au delà de notre destination, qui est Grez. »
Politiquement, la décision d’implanter un polygone de tir de 6 km de long en pleine forêt entre le Long Boyau et le Rocher de la Salamandre s’explique par la défaite en 1870 de l’armée française, battue par les prussiens. L’état-major veut élever le niveau de son enseignement et surtout de son artillerie qui n'est pas obsolète mais est tout simplement archaïque.; les réticences et l’opposition de tous les amis de la forêt ne pesèrent rien dans le contexte de revanche patriotique. Source: Des artilleurs en forêt, l'école d'application de l'Artillerie et du Génie (1872-1939), par Jean-Claude Polton, La voix de la forêt, année 2009.
*Voir aussi : Il semble que cette lettre de Napoléon soit bien à l'origine de la création du polygone d'artillerie de Fontainebleau.C'est dans ce secteur de la forêt que l'animateur du fal rando chartrettes a emmené les randonneurs, samedi 27 février -départ carrefour du Veneur, D 301, parcelle 377- à travers un circuit fantaisiste qui va de la Gorge aux Merisiers - Réserve biologique dirigée -au rocher de la Salamandre en passant à travers l'ancien polygone. Une succession de paysages variés: grande pelouse du bas de la gorge, chemins escarpés, tourbières, Platière, mares de platières, landes mésophiles, descentes à pic...
Est-ce-que la nuit les fantômes des chiens sacrifiés viennent hurler à la mort sur la grande pelouse du polygone ?En effet, l'armée ,aprés la seconde bataille d'Ypres, expérimente la guerre chimique; des chiens errants capturés pour l'occasion servent de cobayes et succombent aux gaz toxiques dégagés par les obus. Les pins sylvestres n'y résistèrent pas non plus.
Des courageux s'aventurent au fond de la gorge...Une randonnée sportive ! Photos Patrick Bouvier.
Billet téléchargeable en PDF (2 Mo)en cliquant sur la vignette.
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