- Avec Olivier Razemon
professionnels)
Auteur avec Eric Hamelin de « La tentation du bitume » aux éditions Rue de l’échiquier
Éric Hamelin est sociologue et urbaniste, c'est important, cela lui permet d'avoir un regard de scientifique de la ville et aussi de scientifique de l'être humain.
Nous avons travaillé à partir de documents, et je suis allé passer une semaine dans un pavillon, en banlieue, m'immerger dans un mode de vie qui n'est pas le mien, j'y suis allé avec un ordinateur et un vélo. On se rend compte que c'est compliqué quand on n'a pas de voiture.
Définition de l’étalement urbain:
C'est lorsque la progression de la ville dépasse la progression de la population. Aujourd'hui, ce qui se passe dans les pays occidentaux et en France en particulier: quand il y a un habitant supplémentaire, il y a trois fois la superficie nécessaire à cet habitant. C'est un phénomène auquel nous participons tous. La première réaction quand on entend parler d'étalement urbain, c'est de penser aux pavillons, de l'extension pavillonnaire, des villes, c'est ça, mais pas seulement. Ce sont aussi les zones d'entrepôts, les zones d'activité commerciale, les hangars de logistique, les gares TGV. Ce sont aussi les citadins de centre-ville qui décident d'habiter non plus dans 28 m2 mais dans 56 mètres carrés, les appartements qui s'agrandissent, le fait de pouvoir se procurer n'importe quel produit à n'importe quel moment, parce qu'il y a des entrepôts pas loin
C'est la ville qui s'étale, qui dépasse les proportions de l'étalement simplement lié à l'accroissement de population.Quand il y a un habitant en plus, il y a trois fois la superficie nécessaire à cet habitant.
Ce n'est pas antinomique avec la végétation. On domestique tous les
espaces naturels, on transforme en parking, on transforme en rond-point
au-milieu desquels on met des jolis forêts parfois .
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Magali Reghezza-Zitt :
En géographie, la périurbanisation est observée depuis 40 ans, c'est vraiment une dynamique qui s'observe partout dans le monde, cette ville se diffuse avec ses modes de vie, ses représentations, sur des espaces où jusque là elle n'était pas présente, et cela a des conséquences énormes en terme politique, sociaux, environnementaux.
Cela change complètement nos modes de vie, et le citoyen lambda, c’est-à-dire nous, on regarde ça un peu comme les vaches regardent passer les trains. On habite de plus en plus loin, et cela nous rend dépendants de la voiture, cela a des coûts sociaux comme le temps qu'on passe dans les transports, des coûts écologiques monstrueux, des coûts financiers, par-exemple installer l'électricité de plus en plus loin.
Olivier Razemon
Un phénomène mondial, observé partout, dans les démocraties, dans les dictatures, les pays pauvres, les pays riches, les pays en train de devenir riches, ceux où l'espace est réduit, ceux où l'espace paraît inépuisable. C'est un phénomène qui s'est toujours produit sauf qu'il y a une accélération depuis une quarantaine d'années, exemple : Los Angeles.
Une erreur qu'on fait en France, c'est de considérer que cette ville étalée, c'est une ville à l'américaine, et en fait quand on observe, quand on va en Seine-et-Marne, ou dans l'Ain, et quand on voit ces km2 de parkings et d'entrepôts, c'est chez nous aussi, et on croit en France
qu'on vit toujours dans un pays agricole et que l'espace est une denrée inépuisable, et que ce n'est pas si important de consommer de l'espace.
Dilatation de la ville.
A quoi correspond une ville au 21è siècle ?
Magali Reghezza-Zitt :
Certains historiens et géographes parlent de mort de la ville et du triomphe de l'urbain,
il n'y a plus de ville au sens classique, enfermée dans ses murailles, mais il y a de l'urbain partout, qui uniformise nos représentations.
L'un des buts de l'étalement urbain, c'est aussi la recherche de la nature, une nature domestiquée, il faut qu'il y ait de la neige dans le jardin mais pas sur la route.
Olivier Razemon:
Raisons de cet étalement urbain: le confort, la démographie, les gens vivent plus longtemps, divorcent davantage qu'avant: une maison sur deux vendue dans la périphérie lyonnaise est vendue à cause d'un divorce et puis il y a le pudding ou mille-feuille territorial, c'est-à-dire le nombre invraisemblable de décideurs, 37 000 maires qui ont chacun le pouvoir de délivrer un permis de construire, ils peuvent choisir d'artificialiser leur parcelle de territoire.
On doit gérer les risques sur cette surface de plus en plus étendue, ce sont de plus en plus d'acteurs qui décident, il faut les mettre d'accord, et la gestion traditionnelle, pyramidale, n'est plus possible.
Énormément d'acteurs: le maire, le propriétaire, l'architecte, l'urbaniste le promoteur, le géomètre, tout est morcelé, les réglementations sont très compliquées, elles se remplacent les unes les autres, plus personne n'y comprend rien, des élus de villages de 250 habitants sont obligés de faire appel à des bureaux d'étude spécialisés qui vont déchiffrer tous les textes...
Inéluctable ?
Éric Hamelin est plutôt optimiste, il pense que les mesures visant à limiter l'usage de la voiture peuvent avoir un effet, moi (Olivier Razemon) je suis moins optimiste, je constate qu'au cours des dernières décennies malgré tous les discours, la pratique va dans le sens inverse.
Les seuls endroits où l'étalement urbain régresse, ce sont les endroits où il y a des crises graves. Ex: Detroit qui a perdu la moitié de ses habitants en quelques années, et en Grèce, où les gens se mettent à quitter Athènes pour aller dans des bourgs, des villages, où ils se mettent à profiter des ressources naturelles existantes, les fruits, le soleil...
En faisant une recherche, on voit que le problème est pris en compte par les pouvoirs publics:
- Etalement urbain et artificialisation des sols en France
- Les campagnes ne se dépeuplent plus depuis 1975
- Rapport américain en faveur de l'étalement urbain
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